Applicable à l’homme ?

« Il y a beaucoup de choses qui marchent avec des animaux. Mais quand on essaie avec des humains, ça échoue. »

Source : Sud Ouest (11.02.12)

Santé : le beraxotène, une piste pour soigner Alzheimer ?

La découverte américaine de l’action réparatrice d’un anticancéreux sur des souris est une bonne nouvelle à nuancer.

«Dans l’impasse thérapeutique dans laquelle nous sommes pour la maladie d’Alzheimer, c’est une bonne nouvelle. Mais il faut être très prudent et surtout ne pas donner de faux espoirs. »

La « nouvelle » que commente le neurobiologiste bordelais Jean-François Dartigues, c’est cette étude publiée dans la revue américaine « Science ». Elle révèle qu’un médicament – le bexarotène -, utilisé contre une forme rare de cancer (lymphome cutané à cellule T), fait disparaître chez des souris de laboratoire jusqu’à 75 % des plaques de bêta-amyloïde.

Pathologie spécifique

La maladie d’Alzheimer est une pathologie spécifique du cerveau qui est le résultat d’un double processus. Il se caractérise par deux types de lésions participant à une lésion plus globale : d’une part, l’accumulation en plaques de peptides anormaux bêta-amyloïdes ; et d’autre part, l’agrégation de la protéine tau sous forme de filaments pathologiques dans les cellules nerveuses.

Le docteur Daniel Wesson, professeur de neurosciences à la faculté de médecine de Cleveland (Ohio), explique que soixante-douze heures après avoir commencé le traitement avec le bexarotène, des souris de laboratoire génétiquement modifiées pour développer l’équivalent de la maladie d’Alzheimer avaient commencé à montrer des comportements normaux. « Ces animaux ont retrouvé leur mémoire et le sens de l’odorat », note le professeur Wesson. La perte de l’odorat est souvent le premier signe de la maladie d’Alzheimer chez les humains.

Un autre chercheur de cette faculté, Paige Cramer, observe que « cette avancée est sans précédent » : « Jusqu’alors, le meilleur traitement existant chez des souris de laboratoire prenait plusieurs mois pour éliminer les plaques amyloïdes. »

L’équipe de recherche de Cleveland, qui « espère obtenir les premiers résultats d’un essai clinique préliminaire d’ici l’année prochaine », s’est basée sur les travaux du docteur Landreth, professeur de neurosciences dans la même université. Celui-ci a établi en 2008 que le principal véhicule du cholestérol dans le cerveau est une protéine, appelée apoliprotéine E (ApoE). En agissant sur ApoE, le bexarotène semble reprogrammer les cellules immunitaires du cerveau pour qu’elles puissent de nouveau dévorer les dépôts amyloïdes. Les chercheurs américains pensent donc que bloquer suffisamment tôt ce processus, qui intervient au début de la maladie, endiguerait son développement en empêchant l’accumulation de dépôts amyloïdes.

Applicable à l’homme ?

Même s’ils trouvent cette découverte « très emballante », des neurologues de l’université Georgetown de Washington se montrent plus prudents : « Il y a beaucoup de choses qui marchent avec des animaux. Mais quand on essaie avec des humains, ça échoue. »

C’est aussi l’avis du professeur Dartigues qui, tout en se félicitant de la rapidité et de l’efficacité des résultats obtenus à Cleveland, observe que l’immunité de la souris est différente de celle de l’homme et son métabolisme aussi. Il note également que le travail sur des animaux, certes vivants, ne se substitue pas à un travail sur le cerveau humain vivant, ce qui est impossible. De plus, il remarque que l’expérience s’est focalisée sur l’amas de plaques amyloïdes et pas sur la protéine tau.

Celui qui a révélé dans la revue américaine « Annals of Neurology » qu’un diagnostic précoce d’Alzheimer serait possible jusqu’à plus de dix ans avant le début du stade de démence, continue avec le professeur Orgogozo de faire de Bordeaux un des lieux clés de la recherche contre la maladie. Une urgence, alors que 36 millions de personnes sont atteintes dans le monde, dont près de 900 000 en France.

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