Industrie pharmaceutique, pouvoir et profit

Selon un article paru dans The Independent on Sunday, des dirigeants des plus grandes sociétés pharmaceutiques ont donné des milliers de dollars de leur poche pour participer à la campagne de réélection de politiciens américains qu’ils considèrent comme sympathisants de leur industrie.

Pendant longtemps, on a soupçonné les dons directs de jouer un rôle dans le processus de prise de décisions gouvernementales tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis. Arkangel vient de rapporter que le Sénat américain avait approuvé la Section 3380 du projet de loi « Animal Enterprise Terrorism Act » (AETA).

La version de ce projet de loi telle que définie par le Sénat pourrait, si elle est promulguée, qualifier d’acte terroriste toute activité entraînant une baisse de profits pour une entreprise ou activité exploitant les animaux. Que cette perte de profit soit due à des protestations pacifiques, des boycotts, des campagnes médiatiques ou des distributions de tracts. Il est notoire que ce projet de loi a été approuvé par 300 grandes entreprises et qu’il y a eu une puissante pression de la part de nombreuses sociétés pharmaceutiques.

The Independent on Sunday rapporte que David Brennan, l’un des principaux bienfaiteurs des Républicains et également directeur d’AstraZeneca, s’est révélé l’un des donateurs les plus généreux pour les candidats du parti républicain. En effet, son épouse et lui-même ont versé 16 000 dollars à ces hommes politiques. « Je soutiens les candidats qui reconnaissent l’importance de mettre sur le marché des médicaments novateurs et la valeur des entreprises qui innovent et améliorent la santé publique » a déclaré M. Brennan.

Il a également été rapporté que tous les cadres supérieurs de GlaxoSmithKline (GSK) aux États-Unis, dont Jean-Pierre Garnier, directeur du groupe, ont alloué aux campagnes politiques des sommes à quatre chiffres. Les dons de M. Garnier pour les campagnes de trois sénateurs en poste s’élèvent à un total de 5000 dollars.

On sait par ailleurs que Jean-Pierre Garnier fréquente régulièrement le 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre britannique. Il a encore rencontré pas plus tard que le mois dernier Tony Blair et Gordon Brown, Ministre de l’Économie britannique.

GSK a déclaré en octobre que, sur les trois premiers trimestres de son exercice, ses bénéfices ont atteint la somme colossale de 1,4 milliard de livres sterling (2,6 milliards de dollars). Soit une hausse de 15% par rapport à 2005, avec une augmentation de revenus de 7% sur l’année à 5,64 milliards de livres sterling.

M. Garnier a alloué un total de 5000 dollars aux campagnes de trois sénateurs en poste, dont un Démocrate, depuis le début du cycle électoral en cours, il y a deux ans. Ce dirigeant est une figure importante de l’opposition au mouvement anti-vivisection. Il n’a de cesse d’user de son influence pour encourager le Gouvernement britannique à faire passer des lois encore plus draconiennes pour combattre ce que M. Garnier considère comme un comportement extrémiste. M. Garnier déclarait au début de l’année 2006 : « Le problème de l’extrémisme dans la cause animale doit être réglé. Au Royaume-Uni, il s’agit d’un problème important qui, s’il n’est pas résolu, aura des retombées sur la communauté scientifique et sur la santé économique du pays. »

Selon différentes sources, M. Garnier a également essayé de faire chanter le Gouvernement britannique en suggérant, lors de sa surenchère, que GSK pourrait être dans l’obligation de se délocaliser si le problème de l’extrémisme au sein de la cause animale n’était pas traité au Royaume-Uni.

Un porte-parole de l’association SPEAK pour les droits des animaux a expliqué que « ce n’est pas la première fois, et certainement pas la dernière, que des dirigeants des plus grandes sociétés pharmaceutiques essaient d’influencer des gouvernements élus démocratiquement.

Malheureusement, l’industrie pharmaceutique jouit, à tort, d’une image positive dans la société. Cette croyance est cependant ridicule et il suffit de constater les profits réalisés pour se rendre compte que la maladie est un marché très juteux et que beaucoup de gens se font de l’argent sur le malheur des autres.

La vocation des entreprises pharmaceutiques est de distribuer des dividendes toujours plus importants à leurs actionnaires. Voir les choses autrement est tout bonnement ridicule. »

Au Royaume-Uni, la personne ayant fait les plus gros dons financiers à un parti politique est probablement Lord Sainsbury. Milliardaire ayant de nombreux investissements dans l’industrie des biotechnologies, Lord Sainsbury a fait don de plus de 11,5 millions de livres sterling au Parti Travailliste. Le récent scandale financier impliquant des Pairs (Chambre des Lords) a conduit de nombreux observateurs à penser que Lord Sainsbury pourrait bien être le prochain donateur important du Parti Travailliste à faire l’objet d’enquêtes policières.

Lord Sainsbury, qui a joué un rôle majeur dans le développement des biotechnologies au Royaume-Uni, a été l’un des grands soutiens du projet de construction du plus grand centre européen de recherche sur les primates à l’université de Cambridge, avant que l’université ne jette l’éponge face à la pression de plusieurs groupes pour les droits des animaux. Il est également connu comme un ardent défenseur du projet de construction d’un nouveau laboratoire de vivisection à l’université d’Oxford.

Il apparaît que les arguments financiers qu’avancent les grands groupes pharmaceutiques et leurs principaux dirigeants sont destinés à rassurer les actionnaires. Aux États-Unis, nous avons vu qu’il serait possible de bafouer les droits individuels à protester de manière pacifique si l’ « Animal Enterprise Terrorism Act » devient une loi.

Au Royaume-Uni, des mesures aussi draconiennes sont prévues par le « Serious Organised Crime and Police Act » (SOCPA) de 2005. Cette loi autorise la police à rendre illégal un mouvement de protestation même pacifique. Parallèlement à ces nouvelles lois dont l’objectif est d’empêcher ces mouvements pacifiques, il y a eu une augmentation du nombre d’animaux utilisés pour la vivisection ; et ce malgré la promesse faite par le Parti Travailliste avant son accession au pouvoir en 1997 de réduire le nombre d’animaux utilisés pour la recherche.

Le Ministère de l’Intérieur britannique a récemment rapporté que le nombre d’expériences scientifiques sur les animaux au Royaume-Uni avait atteint son niveau le plus haut depuis 14 ans. Le rapport indique que 2,91 millions d’expériences en laboratoire avaient été effectuées en 2005, soit le nombre le plus élevé depuis 1992. Et beaucoup de penser qu’une telle augmentation est directement liée à la manière dont les entreprises pharmaceutiques ont usé de leur influence en dictant les programmes aux gouvernements élus de manière démocratique.

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