Le point faible de la réglementation

Traduction d’un article d’une responsable d’ECEAE paru sous le titre original « The limp arm of the law » dans l’édition en ligne du quotidien britannique The Guardian (c) le 19 septembre 2008.

Le point faible de la réglementation

La Commission Européenne n’a pas tenu ses promesses sur la révision de la réglementation de la vivisection. Les bonnes intentions ne suffisent pas

Vendredi 19 septembre 2008
Une fois de plus, la Commission Européenne n’a pas tenu ses promesses portant sur l’amélioration de la protection des animaux utilisés par la recherche. En effet, cette semaine, elle a reporté la publication de sa proposition de révision de la réglementation relatives aux tests sur les animaux qui date de 20 ans.

La Directive 86/609/CEE relative à la protection des animaux utilisées à des fins expérimentales a droit de vie et de mort sur les animaux utilisés dans les laboratoires européens. La réviser pour contribuer au progrès des méthodes de substitution plus fiables et humaines et faire ainsi reculer l’expérimentation animale est une opportunité qui ne se produit qu’une fois par génération.

Le processus de révision de cette Directive a été entamé il y a près de six ans, lorsqu’un rapport spécialement commandé par la Directive sur l’environnement de la CE déclarait que : “ Il est désormais évident qu’il existe plusieurs lacunes concernant la manière dont les animaux sont traités lorsqu’ils sont soumis à des expériences. Bien qu’il existe des recommandations volontaires sur la formation des personnes faisant des expériences sur des animaux dans les laboratoires, il n’existe actuellement aucun cours standard à l’échelle européenne qui puisse être suivi. Un récent rapport compilé par l’Union britannique pour l’abolition de vivisection (BUAV) s’appuyant sur une enquête en caméra cachée menée au sein de l’Université de Cambridge a révélé tout un éventail de souffrances endurées par les animaux. Que ceci puisse se produire dans le pays souvent cité comme ayant la législation la plus rigoureuse en matière de protection des animaux est une preuve lamentable des lacunes concernant la mise en œuvre et l’application de la Directive 86/609. ”

En dépit de la reconnaissance de cette souffrance et donc de la nécessité d’entreprendre une action urgente, la Commission a, à plusieurs reprises, reporté l’adoption de sa proposition. C’est ainsi qu’elle avait publiquement annoncé vendredi dernier (12 septembre 2008) que sa proposition serait adoptée cette semaine. Cependant, au cours des deux journées de travail qui se sont écoulées entre cette annonce et son adoption planifiée, le sujet a été supprimé de l’ordre du jour officiel.

Plus de 12 millions d’animaux sont utilisés chaque année pour des expériences en Europe et ce nombre ne cesse d’augmenter. La Commission est clairement d’accord que la Directive existante ne protège pas les animaux et qu’elle ne vise pas une réduction de leur utilisation. Au 21ème siècle, l’Europe a la responsabilité de faire mieux, en particulier lorsque ses citoyens ont clairement exprimé leur préoccupation et qu’ils soutiennent massivement le besoin de changement.

Selon une enquête indépendante menée par le groupe de recherche NFP Synergy pour le compte de la BUAV, la majorité des britanniques veulent vivre dans un monde où personne ne veut ou ne croit que nous soyons obligés d’expérimenter sur des animaux. En attendant, à l’occasion d’une des importantes participations jamais constatées à une consultation publique organisée par la Commission, la majorité des participants ont déclaré qu’il était plus que nécessaire de remplacer l’utilisation des animaux et que le budget pour trouver et réglementer des méthodes de substitution devait être sensiblement augmenté.

La Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale (ECEAE), qui est une coalition d’associations de protection des animaux européennes dont la BUAV est un membre et dont je suis une dirigeante, a travaillé dur pour persuader les députés et autres décideurs européens qu’il était temps de mettre en place une nouvelle loi à la fois ambitieuse et emprunte de compassion qui commencerait à faire évoluer fondamentalement la manière dont les animaux sont utilisés à des fins de recherche au sein de l’Union Européenne.

Suite à ce tout dernier échec, l’ECEAE a écrit cette semaine au Commissaire Dimas pour lui exprimer sa préoccupation et sa profonde déception concernant l’ajournement une fois de plus du processus de révision. Nous en appelons à la Commission pour qu’elle confirme que la révision proposée par la Directive sera adoptée et publiée immédiatement. Il est désormais vital que les députés concernés suivent l’exemple de Caroline Lucas, députée des Verts britanniques, et qu’ils mettent également la pression sur la Commission pour qu’elle publie la révision de la Directive. La BUAV et ses organisations sœurs à travers l’Europe se tiennent prêtes à assister les députés et toute autre personne souhaitant entreprendre une telle action.

Parmi les propositions qui devraient y figurer, citons des mesures visant à interdire l’utilisation de primates capturés dans la nature et des grandes singes à des fins expérimentales, ce qui répondrait à la préoccupation du public et formaliserait la position de pays de l’UE où l’utilisation de nos plus proches parents vivants a déjà été éradiquée. Cependant, même si la nouvelle loi doit être adaptée aux exigences du 21ème siècle, elle doit absolument insister sur le remplacement de tous les animaux en tant que principal impératif moral. Ceci doit être garanti au moyen d’objectifs contraignants et obligatoires destinés à réduire l’utilisation des animaux et à mettre au point des méthodes de substitution s’appuyant sur la compassion.

Les bonnes intentions ne suffisent pas. Le changement que les citoyens européens souhaitent voir ne peut venir que d’un système transparent qui, au strict minimum, s’interroge avec force sur les bénéfices que la recherche est censée apporter par rapport aux souffrances causées aux animaux utilisés par cette même recherche et qui soumet ouvertement une telle prise de décision à l’examen scrupuleux du public.

Il est impératif que les institutions européennes soient le reflet de l’opinion des citoyens en formalisant dans la loi le principe selon lequel la recherche sur les animaux vivants n’a plus sa place dans une Europe du 21ème siècle civilisée. Les animaux souffrent depuis trop longtemps dans des laboratoires européens sans véritable protection. Chacun admet que cette évolution tarde beaucoup à venir. Les citoyens européens attendent, ont besoin de et méritent une recherche plus moderne et humaine. C’est maintenant qu’il faut légiférer.

Michelle Thew est directrice de Coalition européenne pour mettre fin à l’expérimentation animale (ECEAE), une coalition d’associations de protection des animaux à travers l’Europe.

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