L’expérimentation animale ne va pas me guérir du cancer
Helen Marston
24 mai 2012
Être allongée sur une table d’examen froide dans un lieu étranger pour subir une biopsie au trocart a certainement été l’un des événements les plus traumatisants de mon existence. J’ai eu peur, j’étais perdue, j’avais mal et, oui, j’ai pleuré – mais pas seulement pour moi-même.
Tandis que l’aiguille creusait à l’intérieur de mon corps pour prélever des petits morceaux de ma chair, je pensais aux animaux qui endurent des expériences similaires dans les laboratoires.
Légende de la photo : Furry McGee, ici, ne va pas vous sauver la vie. Crédit photo : Kelly Barnes
Naturellement, on m’a donné des analgésiques, la procédure m’a été expliquée en amont et, au final, elle était pratiquée dans mon intérêt… ce qui n’est pas le cas pour les animaux de laboratoire.
À 44 ans, étant vegan et n’ayant pas d’antécédents de cancer du sein dans ma famille, je ne me doutais pas que je serais victime de cette maladie insidieuse. Mais bon, je ne suis pas invincible non plus et il n’y a donc pas de raison que je sois totalement à l’abri. Mais… pourquoi ? La confrontation à une situation aussi décourageante amène immanquablement à réfléchir à la vie.
Passionnée que je suis par mon travail, l’un des principaux dilemmes auxquels je me suis retrouvée confrontée a été mon opposition invétérée à l’expérimentation animale. Pouvais-je accepter mon traitement sans compromettre mes convictions ? Serait-il hypocrite d’exposer mon corps à des médicaments que je savais avoir été testés sur des animaux à un stade ou un autre avant leur mise sur le marché ? Ou ferais-je mieux finalement de refuser tout traitement ?
Cette réflexion a commencé pendant la phase de diagnostic. Malgré ma peur, j’ai trouvé profondément regrettable qu’à cause de ma maladie et de celle d’autres personnes dans ma situation tant d’animaux soient régulièrement soumis à des procédures cruelles avant d’être tout simplement éliminés.
L’expérimentation animale est incontestablement un sujet très sensible. Nous pouvons dénoncer sa cruauté, dire qu’elle est contraire à l’éthique et qu’il faut respecter les animaux et leur reconnaître des droits. Pourtant, chez HRA (Humane Research Australia), nous constatons que dans nos échanges avec des chercheurs ou des parents d’enfants nés avec des malformations génétiques ou un cancer en phase terminale, tous les arguments éthiques sont balayés : les expériences sur les animaux sont alors jugées comme un « mal nécessaire ».
C’est pour cela que HRA a depuis toujours fondé son opposition à l’expérimentation animale sur des raisons scientifiques. Nous considérons que la médecine progresse plus efficacement par des recherches spécifiques à l’espèce qui ne se laissent pas égarer par l’extrapolation de données obtenues sur une autre espèce.
Malgré cette position claire et nette, on peut être tenté, lorsqu’on est personnellement touché par une maladie grave, de mettre cette logique de côté pour s’accrocher à un espoir de survie – même (dans certains cas) au détriment des animaux.
Après le diagnostic puis une intervention chirurgicale, des séances de chimiothérapie m’ont été programmées. Sachant les financements considérables que reçoit chaque année la recherche sur le cancer, j’ai mené ma petite enquête pour découvrir que tous les médicaments que j’avais à prendre existaient depuis plus de quarante ans – autrement dit, depuis quasiment avant ma naissance.
Tout cela n’a aucun sens. Nous avons tous vu ces dernières décennies d’innombrables manchettes de journaux annoncer la découverte de traitements contre le cancer (tous basés sur des études sur les animaux). Où était donc ce remède miracle maintenant que j’en avais besoin ? Et à quoi avaient servi les millions de vies animales perdues et les milliards de dollars injectés dans la recherche sur le cancer entre-temps ? Et me voilà aujourd’hui traitée par une technique d’ancienne génération pratiquée depuis tant d’années qui consiste à découper, intoxiquer et brûler – et qui n’est certainement pas un remède !
Comprenons-nous bien : nul ne jette l’anathème sur les objectifs des millions de personnes et des organisations à travers le monde qui donnent en toute bonne volonté de leur argent et de leur temps pour lutter contre le cancer.
Mais pourquoi ne peut-on pas mieux orienter cette recherche et employer plus efficacement l’argent pour mettre au point un traitement sans gaspiller davantage de temps ni de vies (animales et humaines) ?
L’agence américaine des produits de santé (FDA), qui sert de référence à la recherche australienne, précise que sur 10 médicaments testés « avec succès » sur les animaux, 9 s’avèrent inefficaces lorsqu’ils sont transposés à l’homme. Certains sont même dangereux pour l’humain. Chez HRA, nous expliquons cela par nos différences génétiques, métaboliques et anatomiques avec les animaux. En toute logique, que pouvons-nous espérer d’autre ?
J’en arrive aussi maintenant à m’interroger avec frustration sur les milliers de médicaments qui ont été rejetés en raison de leur « inefficacité » au cours des tests sur les animaux. En fait, si on a pensé dans un premier temps que ces médicaments présentaient suffisamment d’intérêt pour être testés sur les animaux, ne fallait-il pas continuer à les étudier par d’autres moyens ? Se pourrait-il que, par inadvertance, nous soyons passés à côté d’un traitement potentiel contre le cancer ?
Après l’opération et plusieurs jours et nuits à peser le pour et le contre, j’ai finalement décidé de suivre la procédure classique de traitement, étant réellement convaincue en définitive que les médicaments des années 1960 ont été mis au point non pas grâce à l’expérimentation animale mais malgré elle. Il serait absurde évidemment de nier que j’ai aussi envie de vivre mais je crois que ce désir doit s’appuyer sur les choix et les actions que je fais, pendant et après le traitement, dans mon activité professionnelle et dans mon mode de vie.
Tout au long de cette épreuve, mon respect envers les professionnels de santé avec lesquels j’ai été en contact – infirmières, chirurgiens, cancérologues et radiologues – a grandi au fil des semaines. Tous m’ont soignée de leur mieux, mais ils doivent, eux aussi, s’en tenir aux traitements à leur disposition. Le plus décevant est que les chercheurs continuent d’ancrer leurs travaux sur les modèles animaux et que les gens continuent à placer tous leurs espoirs dans un remède miracle qui ne repose pas malheureusement sur la bonne espèce. Après toutes ces décennies, pourquoi ne sommes-nous pas plus intelligents ?
Maintenant que je suis personnellement touchée par le cancer, je peux confirmer que ma position sur l’expérimentation animale a effectivement changé : je suis bien plus opposée à l’expérimentation animale que je ne l’aurais jamais cru possible. L’expérimentation animale est extrêmement cruelle et scientifiquement erronée. Si nous voulons découvrir un jour de véritables traitements contre le cancer et d’autres maladies, nous devons viser une recherche spécifique à notre espèce – et nous débarrasser des méthodes archaïques fondées sur l’extrapolation malvenue des données obtenues sur une espèce dont nous sommes différents sur les plans anatomique, génétique et métabolique.
Cela veut-il dire que les humains doivent devenir les nouveaux « cobayes » ? En réalité, nous le sommes déjà de toute façon puisque les résultats des tests sur les animaux ne sont pas concluants. Mais remplacer l’expérimentation animale par des techniques propres à l’homme – le microdosage et les biopuces microfluidiques par exemple – permettra d’évaluer plus précisément l’efficacité des nouveaux médicaments et traitements chez l’homme.
Quant à moi, je vais poursuivre le traitement classique en vigueur depuis 40 ans et continuer à prendre mes jus tous les jours en menant une vie saine et en mangeant végétalien, comme je le fais depuis plus de 15 ans maintenant. Vous ai-je dit que certains professionnels de santé ont été agréablement surpris de voir comment je supportais mon traitement ?
Et, non, je ne risque pas de mettre tous mes espoirs dans un remède miracle produit par l’expérimentation animale – puisque je sais qu’elle n’en produira jamais.