Quand la science se tourne en dérision… toute seule
On aura tout lu/vu. Ou presque.
Traduction d’un article sur des travaux scientifiques on ne peut plus rigoureux, sérieux et cruciaux….
« De l’influence du confort thermique des souris sur la fiabilité des expériences scientifiques »
30 mars 2012
RUTHANN RICHTER
Brianna Gaskill
L’équipe de Joseph Garner a établi que la présence de matériaux de nidification aide les souris de laboratoire à réguler naturellement la température de leur corps à des niveaux confortables.
9 médicaments sur 10 testés avec succès sur la souris et d’autres modèles animaux en laboratoire se révèlent inefficaces chez l’homme. L’une des explications pourrait bien être que ces souris ont froid, d’après un chercheur de la Faculté de Médecine de l’université de Stanford.
Professeur agrégé de médecine comparée, le docteur Joseph Garner estime que les souris de laboratoire, sur lesquelles sont menées la très grande majorité des expérimentations animales, vivent généralement à des températures fraîches qui pourraient influencer autant leur bien-être que les résultats des études.
Selon lui : « Lorsque vous voulez mettre au point un médicament destiné à aider un patient hospitalisé, vous ne pouvez pas raisonnablement utiliser des animaux stressés par le froid. En compensant ce stress par un taux de métabolisme élevé, les souris vont modifier tous les aspects de leur physiologie – et notamment la vitesse à laquelle le foie décompose le médicament – ce qui augmente les risques défavorables que le médicament ait des effets différents chez la souris et chez l’homme. »
La dernière étude menée par l’équipe du docteur Garner propose une solution simple pour remédier à ce problème : fournir aux animaux les matériaux qui leur permettront de se construire un nid douillet pour réguler naturellement leur température à un niveau confortable. Ces animaux désormais libérés de leurs préoccupations thermiques pourraient être des sujets de recherche plus pertinents car davantage comparables à l’homme sur le plan physiologique.
Comme l’explique Joseph Garner : « Pourquoi ne pas leur laisser faire ce qu’elles font à l’état naturel, à savoir se construire des nids ? Les souris peuvent envahir sans problème un congélateur de viande où règnent des températures bien en-dessous de zéro, mais c’est en se construisant ces merveilleux nids qu’elles survivent et se reproduisent. »
Cette étude, qui s’inscrit dans un cycle de près de 7 ans de recherche sur le comportement de nidification de la souris, est la première à « demander » aux animaux d’évaluer l’intérêt thermique des matériaux de nidification. Pour Joseph Garner, spécialiste du bien-être de la souris, elle constitue donc une première grande étape vers la définition de normes sur les matériaux de nidification. L’étude en question a été publiée en ligne le 30 mars 2012 sur PLoS ONE.
Les souris, que le docteur Garner tient pour « des animaux parmi les plus fantastiques de la Terre », évoluent dans le même environnement que les hommes depuis des millénaires. Dotées de facultés d’adaptation remarquables, elles sont capables de vivre quasiment n’importe où ce qui en fait d’excellents sujets pour la recherche et explique leur présence par centaines de millions dans les laboratoires du monde entier.
Lorsqu’elles ont le choix, les souris s’orientent vers des températures comprises entre 30 et 32° Celsius. Dans les laboratoires américains pourtant, la législation fédérale impose des températures de 20 à 24° C, qui présentent aussi certains avantages. Les tendances agressives des souris, par exemple, disparaissent en effet avec le rafraîchissement des températures. De même, le processus de lactation chez les femelles est meilleur lorsqu’il fait plus froid, alors que les souriceaux se portent mieux lorsqu’il fait plus chaud.
Dans la limite basse de l’échelle des températures (entre 18 et 20° C environ), des altérations du système immunitaire et parfois des retards de croissance ont été observés chez les souris. Le docteur Garner l’assure : « Nous ne les maintenons donc pas en-dessous de ce seuil pour éviter de compromettre la valeur physiologique des souris et, partant, la qualité des résultats de recherche. »
Selon lui, augmenter simplement la température dans le laboratoire n’est pas une bonne solution, notamment parce que les souris deviendraient alors ingérables et agressives. D’autres options ont été envisagées dans le cadre de l’étude qui a porté sur 36 souris mâles et 36 souris femelles de trois souches communes. Les chercheurs ont aménagé des modules de deux cages reliées par un petit tube permettant aux souris de passer de l’une à l’autre. Dans chaque groupe, une cage fraîche maintenue à 20° C a été équipée de quantités variables de lambeaux de papier avec lesquels les animaux ont pu se construire des nids pour s’abriter et se réchauffer. L’une des six températures suivantes a été maintenue dans la deuxième cage : 20, 23, 26, 29, 32 ou 35° C, mais aucun matériau de nidification n’y était proposé.
Les souris ont donc pu choisir entre rester sur place et supporter le froid, aller vers une cage plus chaude, manger plus pour prendre du poids et élever le taux de métabolisme, ou se construire un nid.
Les préférences observées par les chercheurs ont été légèrement différentes selon la souche et le sexe. Aucune souris ne s’est contentée de rester immobile au froid ; soit elles ont opté, quand elles le pouvaient, pour un lieu plus chaud, soit elles se sont construit des nids élaborés en forme de dôme pour se réchauffer. Plus elles avaient de matériau pour construire leur nid, plus elles ont eu tendance à rester sous les températures plus fraîches, les nids servant à tempérer le froid.
En réalité, la volonté de construction de nid a été si forte que les souris ont souvent passé des heures à rassembler, morceau par morceau, des bouts de papier dans la cage la plus froide qu’elles ont transportés vers un lieu plus confortable dans l’autre cage pour se construire une petite maison solide.
Pour le docteur Garner, ces « vilaines petites coquines » ont décidé de tout avoir : un lieu de vie plus chaud et un nid : « Si elles partaient en vacances, elles choisiraient un endroit chaud ET elles emmèneraient leur nid avec elles. Certaines personnes aiment emporter leur oreiller en vacances et d’autres pas. Les souris se rangent dans la première catégorie. »
Joseph Garner estime que le fait que certaines souris aient déplacé le matériau de nidification vers la cage plus chaude signifie que les nids ne remplissent pas seulement une fonction de réchauffement, mais qu’ils procurent peut-être un confort physique ou une forme de protection qui atténue l’anxiété et le niveau de stress.
Il a été observé qu’après avoir construit leur nid, les souris ont tendance à moins manger car elles n’ont pas besoin de calories supplémentaires pour satisfaire des besoins métaboliques plus élevés. Par rapport aux mâles, les femelles ont globalement préféré des températures supérieures d’environ 5° : elles sont plus petites et ont moins de masse grasse pour produire de la chaleur.
Les chercheurs ont conclu que les souris ont besoin de 6 grammes de matériau de nidification, mais qu’elles en utilisent parfois jusqu’à 10 grammes, et suggèrent de fournir systématiquement la plus grande quantité dans les laboratoires de recherche.
Un autre avantage des nids est qu’ils facilitent le travail des chercheurs avec les souris car ils permettent de mieux les attraper et aussi de les observer. Pour Joseph Garner : « La forme du nid indique à toute personne expérimentée si les animaux ont trop chaud ou trop froid, s’ils sont malades ou si des naissances sont à prévoir. Lorsque vous avez appris à déchiffrer le ‘langage Nid de souris’, le nid est un merveilleux outil qui permet à tout un chacun d’évaluer l’état général de l’animal. »
Le premier auteur de l’étude est le docteur Brianna Gaskill des laboratoires Charles River. Les docteurs Garner et Gaskill ont collaboré avec l’université de Calgary, l’université Purdue et l’Agence de protection de l’environnement. Cette étude a été subventionnée par la Fédération des universités pour le bien-être des animaux, les laboratoires Charles River (qui ont fait don des souris utilisées dans l’étude) et Fiber Core, qui a fait don des matériaux de nidification.
Pour en savoir plus sur la Faculté de Médecine comparée de l’université de Stanford, qui a également soutenu ces travaux : http://med.stanford.edu/compmed/.