Recherches Réellement Ridicules : une autre forme de « 3R »

Traduction de la page RRR : Real Ridiculous Research de l’association américaine IDA.

3R : Recherches Réellement Ridicules

Dotée d’un budget de 32 milliards de dollars, l’agence américaine NIH (National Institutes of Health) pour la recherche médicale est le plus grand financeur au monde d’études biomédicales. C’est aussi le plus grand financeur au monde d’expériences sur des animaux non humains.

L’agence NIH veut faire croire aux contribuables américains que les expériences sur les animaux qu’elle finance avec leurs impôts portent sur des remèdes et des vaccins et qu’elles s’inscrivent dans le strict respect de la mission de la NIH « prolonger la durée de vie en bonne santé et alléger les fardeaux que représentent la maladie et le handicap ».

IDA (In Defense of Animals) s’est appliqué à compiler la Liste 2011 des 10 Recherches les plus ridicules sur les animaux – pour montrer ce à quoi ressemblent vraiment ces études.

Les travaux en question ont été relevés dans des articles publiés en 2011. Il s’agit d’expériences authentiques, financées par la NIH et approuvées par les comités de surveillance sous mandat fédéral, qui ont été publiées dans plusieurs des milliers de revues scientifiques à comité de lecture. Ces expériences – dont nous ne vous présentons ici que le meilleur du pire – montrent que l’argent des contribuables américains et la vie des animaux sont allègrement gaspillés dans des études qui ne font en rien progresser la médecine et qui ne nous apprennent rien qui nous importe – ou que nous ne sachions déjà. Quand on voit ça, on peut se demander en quoi consistent les expériences qui ne sont pas publiées…

Liste 2011 des 10 Recherches les plus ridicules sur des animaux

10 – L’arthrite d’origine médicamenteuse rend l’exercice plus difficile chez le rat

9 – Les rats qui courent le plus dans tous les sens s’avèrent plus anxieux

8 – D’après une étude réalisée sur le campagnol des prairies, les mères célibataires élèvent des enfants moins aimants

7 – Les hamsters au régime s’intéressent plus à la nourriture qu’au sexe

6 – Les nerfs du goût amer semblent fonctionnels chez le rat

5 – Le bâillement contagieux chez le chimpanzé est empathique

4 – Sons et anatomie sont différents chez l’alligator et chez l’homme

3 – Le parfum de citron frais peut provoquer des érections chez le singe

2 – Les rats, sous emprise de cocaïne, préfèrent Miles Davis

1 – Les laboratoires sont des milieux stressants pour les singes


10 – L’arthrite d’origine médicamenteuse rend l’exercice plus difficile chez le rat

Dans le cadre d’une étude approfondie d’un problème évident, des chercheurs de l’université de Nouvelle-Angleterre ont injecté une substance arthritisante dans les genoux de rats pour découvrir ensuite que, à cause de la douleur chronique, ces animaux couraient moins sur leurs roues d’exercice. Triste constat complémentaire : l’effet de l’arthrite a été le plus débilitant chez les rats qui couraient le plus auparavant.

Pourquoi les chercheurs ont-ils torpillé la meilleure part de la misérable vie de ces animaux pour découvrir quelque chose que nous savons déjà ? Tout simplement pour essayer de créer encore un autre « modèle animal » de la douleur chronique chez l’homme. Ils devraient pourtant savoir que des animaux d’espèces différentes – et même différentes souches de la même espèce – peuvent réagir différemment aux mêmes maladies et aux mêmes médicaments.

Cette étude a été financée par une subvention R15 de l’Institut national de l’arthrite, des maladies musculo-squelettiques et dermatologiques. Destinées à des institutions qui ne figurent pas parmi les principaux bénéficiaires de l’aide de la NIH, les subventions R15 ont notamment pour objectif « de confronter les étudiants à la recherche ». De fait, tout comme des subventions F31 et T32, des subventions R15 peuvent former la nouvelle génération d’expérimentateurs sur les animaux.

9 – Les rats qui courent le plus dans tous les sens s’avèrent plus anxieux

Les expérimentateurs de l’université d’État de Floride ont placé des rats dans un espace ouvert ne leur offrant nulle part où se cacher – ce qui est une situation stressante pour un rongeur – et ont identifié ceux qui couraient le plus dans tous les sens. Ensuite, ils en ont traumatisé psychologiquement certains en les mettant dans une cage avec un rat plus gros, plus agressif qui les a malmenés, à une seule reprise ou pendant plusieurs jours de suite. Certains rats mâles attaqués et battus par des mâles plus agressifs se sont mis socialement à l’écart et ont semblé éprouver moins de plaisir que d’autres rats.

En fin de compte, qu’est-ce que ces expérimentateurs ont appris sur ces rats défaitistes ? Ces rats, qui étaient plus actifs dans un espace ouvert, étaient aussi plus anxieux de se faire battre par un autre rat, même s’ils ne l’avaient été qu’une seule fois auparavant. Autrement dit, certains rats sont simplement plus anxieux par nature.

Cette étude a été financée par deux subventions de l’Institut national de Santé mentale, dont une subvention R21. Les subventions R21 peuvent être attribuées pour « des études nouvelles qui ouvrent de nouveaux horizons », « des études à haut risque et très valorisantes pouvant aboutir à une découverte » ou « des études qui peuvent amener des nouveautés au niveau des techniques, des agents, des méthodologies, des modèles ou des applications qui auront un impact sur la recherche biomédicale, comportementale ou clinique ». Si telle est l’idée que la NIH se fait de la « découverte » ou de la science « à haut risque et très valorisante », on imagine à peine ce à quoi peut ressembler la science « normale ».

8 –  D’après une étude réalisée sur le campagnol des prairies, les mères célibataires élèvent des enfants moins aimants

Au lieu d’aborder le vrai problème, les expérimentateurs de l’université Emory ont créé des familles de campagnol des prairies « à mère célibataire » en écartant le père. S’ils ont constaté que les mères célibataires passaient tout autant de temps à s’occuper de leurs enfants que les mères en couple, ils ont trouvé que les enfants de mères célibataires passaient moins de temps à s’occuper de leurs propres enfants que ceux élevés par leurs deux parents.

N’est-il pas un peu grossier de suggérer que l’étude des campagnols des prairies est « un moyen rapide, facile et pertinent d’un point de vue éthologique pour étudier la dynamique familiale humaine » sans apporter la moindre preuve que les mêmes résultats ont été établis chez l’homme ?

Cette étude a été financée par quatre subventions différentes de la NIH dont, qui l’eût cru, une subvention du Centre Yerkes de recherche sur les primates qui est financée par l’argent public depuis 52 ans maintenant.

Cette étude sur les campagnols des prairies a par ailleurs bénéficié d’une bourse de formation institutionnelle T32 de l’Institut national de Santé mentale dont la principale vocation est de former neuf boursiers prédoctorants en sciences fondamentales, y compris sur divers « modèles animaux », bourse qui n’offre pas de formation clinique et qui comprend des enseignants délégués par le Centre Yerkes de recherche sur les primates.

L’étude a bénéficié parallèlement de deux autres subventions de l’Institut national de Santé mentale.

7 – Les hamsters au régime s’intéressent plus à la nourriture qu’au sexe

Des chercheurs de l’université Lehigh et de l’université du Minnesota ont établi que la mise au régime de hamsters n’avait pas eu d’impact significatif sur leurs capacités à accomplir ou à profiter des rapports sexuels, même s’ils semblaient moins motivés à les engager. Des hamsters femelles nourries avec 75% de leur ration normale pendant 8 à 11 jours ont eu tendance à passer plus de temps avec de la nourriture et moins avec des hamsters mâles lorsqu’elles ont pu choisir entre les deux. Elles ont également amassé plus de nourriture – quelle surprise…

Cette étude a été financée par trois subventions de la NIH, deux de l’Institut national sur l’abus de drogues (NIDA) et une de l’Institut national pour le diabète et les maladies digestives et rénales.

L’institut NIDA a notamment accordé une subvention F31 destinée à la formation à la recherche d’étudiants prédoctorants « menant au diplôme de recherche (par exemple, Ph.D.) ». Ici, l’étudiante prédoctorante a obtenu son Ph.D. à financement public en 2011 à l’université du Minnesota où elle est actuellement associée de recherche post-doctorante. En mars 2012, elle est intervenue dans le cadre d’une journée professionnelle organisée dans un lycée du Minnesota et auprès du club Sciences biologiques de l’université du Minnesota.

Autre exemple de subvention F31 utilisée pour former la nouvelle génération d’expérimentateurs sur les animaux : une bénéficiaire d’une subvention F31 a obtenu en 2011 son Ph.D. à financement public auprès de l’université Santé & Sciences de l’Oregon. L’un des travaux soutenus par cette subvention, et qui a fait l’objet d’une publication en 2011, a notamment exposé des souris gestantes à la méthamphétamine pour en observer l’effet sur les capacités cognitives de la portée à l’adolescence. Cette boursière F31 est désormais maître assistant de psychologie dans une autre université où elle envisage d’étendre ces expériences d’exposition néonatale à la méthamphétamine chez des souris gestantes à d’autres drogues d’abus sur ce « modèle murin ». Elle peut aussi enseigner et encadrer une nouvelle génération d’expérimentateurs sur les animaux au titre de maître assistant de psychologie.

Sur les 1232 bourses prédoctorat F31 financées par la NIH sur l’exercice 2011, 47% (574) ont impliqué des expériences sur des rats, des souris ou des primates non humains.

6 –  Les nerfs du goût amer semblent fonctionnels chez le rat

Inspirés par l’incroyable diversité des substances amères, les expérimentateurs de l’université d’État de l’Ohio ont voulu voir ce qui se passerait en sectionnant les nerfs reliant les bourgeons du goût au cerveau. Ils ont donc ouvert la gorge de dix rats pour leur sectionner un nerf et percé les tympans de dix autres rats pour endommager l’autre nerf. Les dix rats les plus malchanceux ont subi les deux procédures. Les rats « les plus chanceux » n’ont eu que la gorge ouverte et les tympans perforés, les expérimentateurs laissant intacts leurs nerfs du « goût amer ». Quelle générosité…

Qu’ont appris ces expérimentateurs ? Le nerf le plus sensible aux stimuli amers était aussi le plus important pour apprendre à éviter les stimuli amers – sans blague.

Cette étude a été financée par deux subventions de l’Institut national de la Surdité et autres troubles de la communication, dont l’une est financée depuis 22 ans par l’argent public.

5 – Le bâillement contagieux chez le chimpanzé est empathique

Quand un célèbre primatologue et un prodigieux arriviste du Centre Yerkes de recherche sur les primates publient un article sur le bâillement contagieux chez les chimpanzés… on ne peut que bâiller à son tour, avant du moins de céder à l’indignation. Les contribuables ont financé une subvention conséquente de « Perfectionnement professionnel » pour soutenir une expérience consternante qui suggère que, par empathie, les chimpanzés ont tendance à se faire davantage l’écho du bâillement de chimpanzés qu’ils connaissent que de chimpanzés qui leur sont étrangers.

Ces chercheurs se sont-ils fait l’écho eux aussi des bâillements contagieux des chimpanzés ? C’est peu probable sachant qu’ils travaillent dans un lieu où nos cousins primates sont emprisonnés et torturés chaque jour, et d’autant moins dans la mesure où Frans DeWaal est co-signataire de l’étude. Car ce chercheur, qui a pourtant établi à maintes reprises la grande proximité entre les comportements et les sociétés du chimpanzé et de l’homme, a refusé de dénoncer les expériences invasives et létales que son propre institut a pratiquées sur des chimpanzés. Le Dr DeWaal pourrait peut-être s’inspirer des chimpanzés et développer une certaine empathie.

Cette expérience a été financée à la fois par une subvention K12 de perfectionnement professionnel attribuée à l’université Emory et par une bourse du Centre Yerkes de recherche sur les primates qui est financée depuis 52 ans par l’argent public.

4 – Sons et anatomie sont différents chez l’alligator et chez l’homme

Les scientifiques de l’université de l’Utah ont implanté des capteurs de pression dans la trachée de jeunes alligators et leur ont fait passer à travers la gorge un câble qu’ils ont fixé sur la mâchoire supérieure « avec plusieurs épaisseurs de ruban adhésif en toile » pour pouvoir décrire leur comportement vocal. Ils ont constaté que les alligators n’ont que deux manières de changer la fréquence de leurs voix, alors que les mammifères en ont trois.

L’une des deux subventions de la NIH pour cette étude a été attribuée pour développer un simulateur des voies respiratoires que les médecins pourraient utiliser pour décrire et diagnostiquer diverses maladies affectant la respiration. Notre suggestion ? Commencez par étudier l’anatomie humaine et laissez les alligators tranquilles.

Cette étude a été financée par deux subventions de l’Institut national de la Surdité et autres troubles de la communication.

3 – Le parfum de citron frais peut provoquer des érections chez le singe

Des chercheurs de l’université du Wisconsin, du Centre national du Wisconsin de recherche sur les primates, de Merck Research Laboratories et de l’université du Nord-Est, Boston, ont démontré que les ouistitis mâles peuvent être conditionnés pour associer une odeur quelconque – ici, du citron – à l’expérience sexuelle. Après conditionnement, l’odeur du citron a provoqué une excitation sexuelle chez les ouistitis mâles, même en l’absence de femelles.

Pour faire valoir le bien-fondé de leur expérience, les chercheurs ont déclaré que le conditionnement sexuel avait été testé sur différents animaux, notamment des poissons, des oiseaux, des rongeurs, des étalons et des humains – mais jamais jusqu’ici sur des primates non humains. Quel grand pas !

Cette étude a reçu une subvention de l’Institut national de Santé mentale et une autre du Centre de recherche sur les primates de l’université du Wisconsin-Madison, qui est financée depuis 51 ans par l’argent public.

2 – Les rats, sous emprise de cocaïne, préfèrent Miles Davis

Des esprits curieux de la faculté de médecine d’Albany ont fait écouter de la musique à un groupe de rats non avertis qui ont préféré la « Lettre à Élise » de Beethoven au « Four » de Miles Davis et le silence à une quelconque musique. Mais lorsqu’ils ont adouci l’affaire en leur donnant de la cocaïne, ils ont constaté que les rats changeaient complètement d’avis et préféraient le jazz au classique.

Dans une autre étude publiée en 2011, les mêmes expérimentateurs financés par les mêmes subventions de la NIH ont repris le « Four » de Miles Davis, mais ont exposé cette fois les rats à la méthamphétamine pour déterminer les effets de la drogue sur le conditionnement acquis de ces animaux.

Ces études ont été financées par deux subventions de l’Institut national sur l’abus de drogues, notamment par une bourse de formation T32 en pharmacologie et en neurosciences dans le cadre de l’abus de drogues. Au moins six boursiers pré- et post-doctorants, membres potentiels de la nouvelle génération d’expérimentateurs sur les animaux, ont été formés et soutenus par cette subvention.

1 –  Les laboratoires sont des milieux stressants pour les singes

Voici une question qui mérite vraiment une étude et une publication : combien de subventions NIH financées par le contribuable américain faut-il pour « découvrir » ce que l’on sait depuis des lustres ? Sept.

Des chercheurs du Centre national de Tulane de recherche sur les primates ont reconnu récemment qu’un stress quotidien incontrôlable fait partie intégrante de la vie d’un animal dans un laboratoire, indépendamment des expériences pratiquées. Pour reprendre leur formulation : « Il est largement admis que les procédures qui sont réalisées dans le cadre de l’élevage de routine ont le potentiel d’affecter tant les paramètres physiologiques que comportementaux qui sont associés au stress. »

Sans surprise, les singes rhésus ont exprimé des « comportements anormaux », des stéréotypies comme se balancer ou faire les cent pas, en voyant un autre singe maîtrisé physiquement pour lui injecter un produit anesthésiant, comportements anormaux que ceux qui partageaient leur cage avec un autre singe ont eu tendance à moins manifester.

Il est surprenant que l’on « hésite généralement à faire vivre ensemble des macaques rhésus adultes mâles », bien que l’on sache que cela est globalement préférable à l’isolement social pour les primates. Ce qui est peut-être encore plus surprenant – et inquiétant -, c’est que de nos jours et à notre époque des expérimentateurs continuent à gaspiller le précieux argent public pour des études destinées à « découvrir » ce que l’on sait depuis des lustres : les singes sont des animaux très sociaux et intelligents qui supportent mal l’isolement social et de voir souffrir leurs congénères.

Cette étude est financée par plusieurs subventions de la NIH et, qui l’eût cru, par deux subventions du Centre national de recherche sur les primates : l’une attribuée à l’université du Wisconsin-Madison et l’autre à l’université de Tulane, qui sont financées l’une comme l’autre depuis 51 ans par l’argent public.

Elle a par ailleurs reçu des fonds de l’Institut national de Santé mentale et quatre subventions complémentaires du Centre national de ressources pour la recherche.

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