Grève de la faim contre la vivisection
La grève de la faim et d’autres actions de pression plus radicales que les actions de protestation classiques vont-elles se multiplier en France au nom de la lutte contre l’industrie de la vivisection et pour les droits des animaux ?
Entretien avec Camille, militante vegan engagée dans la campagne AirSouffrance et qui a mené une grève de la faim enfermée dans une cage pendant 24 heures début juin 2013 à Toulouse devant une agence Air France, compagnie aérienne pourvoyeur d’innombrables animaux à destination de laboratoires à travers le monde.
Zoom sur une première pour la cause animale dans l’Hexagone.
Avec l’opération « 24 h en cage contre Air France KLM à Toulouse » et la grève de la faim associée entre vendredi 07 et samedi 08 juin 2013 devant une agence Air France à Toulouse, quel message souhaitiez-vous envoyer dans le cadre de la campagne de pression AirSouffrance désormais internationale ?
Camille : avec cette opération de 24h en cage, nous souhaitions montrer à Air France que nous étions toujours motivés et que nous avions des idées, que nous étions prêts à nous engager jusqu’au bout dans cette lutte. Les 24h en cage ont eu lieu un mois avant la marche contre Air France sur Paris. Aussi, cette opération a été mise en place pour tenter d’attirer au maximum l’attention des médias sur la campagne. A Toulouse, nous avons la chance que la presse locale relaie parfois nos manifestations, contrairement à Paris. Nous avons donc voulu profiter de cette opportunité.
Qu’est-ce qui a motivé cette forme de protestation plus militante et exigeante aussi au niveau personnel ?
Camille : la motivation principale reste de déranger la compagnie aérienne. Nous avons cherché un moyen de le faire sur une durée plus longue que les manifestations mensuelles qui durent 2 heures, tout en attirant l’attention des personnes, clients ou non d’Air France, sur le fait que tous les animaux, humains ou non, sont égaux face à la souffrance et à l’enfermement.
Je savais que certaines personnes seraient choquées de me voir dans cette cage et de savoir que je refusais de me nourrir. Et c’était un bon point de départ pour qu’ils se questionnent. Pourquoi me voir dans cette cage alors que je suis volontaire vous choque ? Pourquoi quand il s’agit d’un singe, d’un chien… ça ne vous choque pas, alors que lui ne comprend pas, et quand bien même il comprendrait, il ne serait pas pour autant d’accord ? Il s’agissait d’un moyen de pousser les gens à la réflexion tout en montrant à Air France que nous ne sommes pas là pour plaisanter.
Comment s’est déroulée cette opération ? Pouvez-vous nous donner des détails ?
Camille : cette opération s’est très bien déroulée. Nous sommes arrivés devant l’agence vers 11h. Nous avons posé la cage, mis en place le stand et les banderoles, puis à midi, je suis entrée dans la cage et un militant l’a cadenassée. Immédiatement, les gens ont commencé à s’arrêter, mais certains avaient peur de s’approcher. Il était donc important que des militants aillent à leur rencontre et leur expliquent la raison de notre présence. Les discours au mégaphone aussi étaient nécessaires, il fallait se faire entendre autant des passants que des employés d’Air France.
Le plus dur a été de gérer les personnes alcoolisées la nuit. Les militants chargés de la surveillance ont fait un très bon travail à ce niveau là. Nous n’avions malheureusement aucune présence policière pour assurer notre sécurité ou surveiller que nous ne dégradions pas l’agence (rappelons qu’Air France à déposé une plainte contre X suite à notre action pour des actes de vandalismes dont nous n’avons aucune preuve et dont aucun militant n’est à l’origine).
Même si parfois le temps était un peu long (surtout le samedi matin, quand le jour se levait à peine et qu’il n’y avait plus personne dans les rues), nous avons reçu de nombreux témoignages de soutien, et beaucoup de gens étaient interpellés et venaient se renseigner. Cela montre que nous n’avons pas été inutiles et c’est ce qui nous motive.
Chaque personne informée et révoltée est un pas de plus vers la fin de ce commerce sordide.
Comment vous êtes-vous préparée ? Quelles sont les exigences et les contraintes ?
Camille : concernant la préparation, j’ai demandé conseil auprès d’amis qui ont déjà effectuer des jeûnes, choses que je n’avais jamais fait. Ils m’ont conseillé, lors des repas, d’éliminer les légumineuses, céréales, puis éliminer les légumes, et le dernier repas manger tous les fruits que je souhaitais. Mais, comme ils me l’ont dit, pour un jeûne de 24h c’est plus dans la tête que ça se joue. J’ai donc moins mangé la semaine précédente, et pris beaucoup de fruits le matin de l’action.
Je n’ai pas eu une grosse sensation de faim. Vers 20h30 j’ai eu un petit creux, mais plus dû à l’habitude qu’à une réelle faim. J’ai bu beaucoup d’eau, ainsi que du thé le soir quand j’ai commencé à avoir froid, et le matin également. La fatigue plus le fait de ne pas manger n’aide pas le corps à se réchauffer !
La contrainte la plus importante pour moi, c’était les toilettes. Je n’allais bien évidemment pas sortir pour faire des pauses pipi. J’ai donc mis une couche, mais ce n’est pas évident, on craint toujours les fuites !
Quels conseils donneriez-vous aux personnes tentées de reproduire cette action qui, rappelons-le, a été une première en France pour la cause des droits des animaux et contre la vivisection ?
Camille : je dirais qu’il faut tout d’abord bien préparer les choses pour être le plus serein possible le jour J. Avoir autour de soi des personnes de confiance, être bien entouré, par des gens motivés car quand on est dans la cage, on ne peut rien faire et on doit s’en remettre totalement aux militants qui sont dehors. C’est également important pour le moral, car 24h, c’est quand même long, voir des gens qui s’impliquent fait chaud au cœur et pouvoir parler, rire un peu, ça aide à faire passer le temps !
Je conseille également d’avoir des toilettes à proximité ! Comme je l’ai dit, les couches, ce n’est pas évident, la première chose que j’ai faite en sortant n’a pas été de manger contrairement à ce que beaucoup pensent !
Il faut aussi savoir pourquoi, pour qui on le fait. Le faire pour les bonnes raisons, c’est-à-dire les animaux qui meurent dans les labos tous les jours.
Quels écho et impact cette action a-t-elle eu sur place et dans les médias et pour la campagne AirSouffrance ?
Camille : sur place, l’impact a été plutôt bon. Pour preuve la plainte contre X déposée le mardi suivant l’action. Nous les gênons, et ils ne savent plus quoi faire pour se débarrasser de nous, alors ils inventent des histoires de harcèlement dans le métro, dans les bus (nous aurions même suivi des employés jusqu’à la gare de Toulouse).
Sur Paris, ils ont menti plusieurs fois, inventant des comportements violents de la part de militants, des invasions d’agences… Ils ont même demandé à la préfecture d’annuler la marche du 6 juillet car cela nuit à leur image. Ils veulent continuer leur petit commerce en toute discrétion, mais nous ne les laisserons pas faire, et nous ne nous laisserons pas faire. Ils ne nous impressionnent pas. Bien au contraire, cela montre que nous sommes efficaces.
Concernant les médias, très peu se sont déplacés, mais nous avons eu de bons articles, et même une vidéo sur le site de Network Visio. Un blogueur a également relayé les photos en temps réel !
La campagne AirSouffrance s’endurcit ?
Camille : oui, en quelque sorte. La semaine dernière, Philippine Airlines annonçait qu’ils ne transporteraient plus de primates pour la vivisection. Il ne reste plus que deux compagnies dans le monde qui continue ces transports, China Southern Airlines et Air France. Il y a moins de cibles, donc plus de temps à consacrer à chacune.
De plus, l’association Last Chance for Animals fait une super campagne d’affichage aux Etats Unis, avec de grands panneaux dénonçant les activités d’Air France, l’un est sur la route menant à l’aéroport de Los Angeles, l’autre à Manhattan.
Des scientifiques et militants manifestent régulièrement dans l’aéroport d’Hambourg, la campagne est également relayée en Italie, aux Pays Bas… Nous sommes nombreux et motivés. Nous ne lâcherons rien !
Avez-vous bon espoir de faire céder Air France ?
Camille : oui, sans hésitation. Quand on voit leur comportement, et le nombre de compagnies qui transportent encore des primates, nous sommes sûrs que ce n’est qu’une question de temps. Nous continuerons cette campagne tant qu’Air France continuera à envoyer des animaux en enfer, et contrairement à eux, nous n’avons rien à perdre, ni clients, ni argent, ni réputation. Et nous avons la meilleure des motivations, arrêter la souffrance de ces individus innocents. Ils arrêteront avant nous.
Merci Camille pour ce témoignage motivant et excellente continuation pour cette campagne abolitionniste.