Opposition à la vivisection : bilan et perspectives
Pour l’édition 2019 de la Journée Mondiale des Animaux (suppliciés) dans les Laboratoires (JMAL), nous avons estimé opportun de nous entretenir avec l’un des pionniers du mouvement pour la libération des animaux, Ronnie Lee. Ce militant britannique qui a cofondé le Front de Libération des Animaux (Animal Liberation Front) dans les années 1970 et a passé près de 10 années en prison pour ses activités militantes pour les animaux s’investit désormais dans des campagnes légales de sensibilisation au véganisme en Angleterre.
Concernant la lutte contre la vivisection, alias « expérimentation animale », cela fait désormais plus d’un siècle que l’opposition se manifeste avec plus ou moins de vigueur et notamment via de nombreuses opérations d’action directe illégale dès le début des années 1970, particulièrement au Royaume-Uni, dans le but de mettre plus de pression sur l’industrie de la vivisection.
International Campaigns (IC) : Ronnie, en tant qu’ex-militant théoricien et praticien de l’action directe illégale pour les animaux au Royaume-Uni, quelles sont selon vous les principales raisons pour lesquelles tant d’animaux continuent d’être utilisés dans les laboratoires du monde entier pour des tests et la recherche ? En d’autres termes pourquoi la vivisection reste-t-elle si pratiquée et omniprésente ?
Ronnie Lee (RL) :
Je suis persuadé que tout cela est fondamentalement lié au spécisme (ou suprémacisme humain), une conception selon laquelle les êtres humains s’estiment supérieurs aux autres espèces animales et s’arrogent donc le droit d’utiliser et d’exploiter ces dernières pour leurs intérêts.
Cela est peut-être également dû au fait que les meilleures stratégies pour combattre la vivisection n’ont pas toujours été appliquées par les militants.
IC : Quels sont selon vous les meilleurs moyens pour combattre la vivisection de nos jours ? Existe-t-il une ou plusieurs stratégies pour tenter de mettre fin à la vivisection d’une manière générale ?
RL : Je pense qu’il existe différentes stratégies et formes d’action que nous pouvons mettre en œuvre pour parvenir à faire cesser la vivisection.
En effet, la vivisection prenant fondamentalement racine dans le spécisme, la sensibilisation au véganisme est capitale pour débarrasser la population d’habitudes et de comportements spécistes.
Sensibiliser la population au véganisme permettra d’augmenter le nombre de personnes opposées à la vivisection ainsi que le nombre d’électeurs prêts à voter pour des partis politiques qui souhaitent mettre un terme à, ou du moins réduire, l’expérimentation animale et aussi à soutenir les politiciens qui veulent légiférer pour mettre un terme à la vivisection.
Le boycott est une autre tactique à laquelle il est également possible de recourir dans une certaine mesure, même s’il peut être difficile de persuader la population de ne pas utiliser des médicaments fabriqués par des entreprises qui testent sur des animaux, surtout si elles estiment que prendre ces médicaments contribuent à leur bien-être ou à leur survie.
Malgré tout, un boycott des produits d’entretien, des cosmétiques et des produits d’hygiène testés sur les animaux pourrait être mené par un grand nombre de consommateurs, de même que le boycott des fondations et autres associations caritatives qui financent les expériences sur les animaux.
Il est également possible d’encourager le public à soutenir financièrement des organisations faisant la promotion de méthodes de tests sans animaux et donc éthiques.
Le nombre de personnes prêtes à s’engager dans l’action directe illégale contre la vivisection restera toujours très faible, mais des moyens légaux peuvent être employés pour mettre directement la pression sur les vivisecteurs afin qu’ils renoncent à pratiquer des expériences sur des animaux. Il est par exemple possible de lancer des campagnes d’information locales pour faire connaître à la population vivant à proximité d’expérimentateurs sur animaux la cruauté des expériences que ces derniers infligent à des êtres sans défense.
IC : Quelles leçons pouvons-nous tirer de la dure réalité comme quoi la vivisection reste monnaie courante dans tous les pays du monde ?
RL : J’estime que la leçon à tirer est qu’il nous faut davantage investir de la réflexion et de l’analyse dans les stratégies et tactiques que nous mettons en place pour nous opposer à la vivisection.
En effet, la vivisection est un sujet très sensible qui incite les gens à s’impliquer dans des campagnes et des actions sans avoir assez réfléchi au préalable à ce qu’ils devraient faire et comment ils devraient le faire.
IC : Avez-vous des regrets concernant votre implication personnelle contre la vivisection ?
RL : Le Front de Libération des Animaux a permis de réduire sensiblement le nombre d’expériences sur les animaux au Royaume-Uni. Je n’ai donc aucun regret concernant mon implication dans cette campagne d’action directe illégale.
Cependant, je me demande si la cause du véganisme et de l’antispécisme ne serait pas plus avancée qu’elle ne l’est actuellement si j’avais investi toute mon énergie dans la sensibilisation au véganisme plutôt que dans l’ALF, ce qui aurait également pu contribuer à un net recul de la vivisection.
IC : Comment percevez-vous le mouvement actuel antivivisection au niveau mondial ? Quelles sont ses réussites et ses échecs ? Autrement dit, quels sont ses points forts et ses points faibles ?
RL : Comme je l’ai dit plus haut; l’ALF britannique a permis de réduire massivement la vivisection, une pratique qui repart malheureusement à la hausse depuis quelques années, d’autant plus que les actions ALF sont désormais bien moins nombreuses au Royaume-Uni.
Sinon, je pense que différentes campagnes de protestation et de sensibilisation dans de nombreux pays ont permis de limiter le nombre d’expériences sur les animaux. Mais le mouvement semble manifestement incapable de mettre un terme à la vivisection de manière générale, ni même d’empêcher sa recrudescence à travers le monde comme c’est actuellement le cas.
Les organisations qui font la promotion de méthodes éthiques pour remplacer les expériences sur les animaux semblent avoir plus d’influence et plus de soutien qu’auparavant. Mais, malheureusement, la législation destinée à contraindre les chercheurs à recourir à des méthodes sans animaux est très timide.
IC : Selon vous, comment est-il possible de redynamiser le mouvement antivivisection ? Comment voyez-vous l’avenir de ce mouvement et quelles perspectives pour les animaux utilisés pour des expériences et des tests en tout genre ?
RL : Vous savez, j’adhère pleinement au dicton selon lequel il faut penser de manière globale et agir localement et je pense que cette vision pourrait être appliquée avec profit pour lutter contre la vivisection.
Ce qui veut dire que nous devons encourager la formation de groupes locaux dans toutes les villes de plus ou moins grande taille qui feraient campagne contre le spécisme et la vivisection.
Ces groupes pourraient notamment s’impliquer dans la sensibilisation au véganisme pour lutter contre le spécisme ainsi que dans des actions plus ciblées contre la vivisection.
Ces actions pourraient prendre la forme de stands d’information et de manifestations locales visant à encourager la population à devenir vegan et à leur expliquer comment boycotter la vivisection d’une manière générale.
De même, des opérations de collecte de fonds locale à destination d’organisations faisant la promotion de méthodes de recherche sans animaux seraient bienvenues.
De plus, en période électorale, il est souhaitable de soutenir les candidats locaux sensibles à la cause des animaux et opposés à la vivisection.
Ne pas négliger non plus d’identifier les chercheurs sur animaux à travers le pays afin de révéler et dénoncer leurs activités cruelles et de leur mettre ainsi la pression pour qu’ils cessent ces pratiques odieuses.
Pour conclure, je dirais que plus nous investirons dans la sensibilisation au véganisme et dans toutes les autres formes d’action que j’ai suggérées ci-dessus, plus vite nous pourrons mettre un terme à la vivisection dans chacun de nos pays et à travers le monde.
Pour contacter Ronnie Lee : https://www.facebook.com/generalronnielee
Sa biographie a été publiée en anglais sous le titre « The Animals’ Freedom Fighter » en avril 2017 aux Editions McFarland. Vous pouvez la commander ici : https://www.activedistributionshop.org/shop/books/4388-the-animals-freedom-fighter.html
Pour lire gratuitement l’édition numérique sur votre ordinateur, le lien de téléchargement est http://tinyurl.com/RonnieBioPDF